lundi 15 novembre 2010

Le ParK, ultime divertissement

Installation de Jérôme Durand dont le bronze La dérive des continents apparait sur la couverture de Le ParK


Évoqué dans le dernier numéro de la revue Rouge-Déclic, dont le thème principal est l'entertainement, le nom de Bruce Bégout, philosophe de formation, a fait naître chez moi l'envie de découvrir son roman qui a été publié cette année chez Allia.
"C'est le parc de tous les parcs, la synthèse ultime qui rend tous les autres obsolètes, le concept universel, l'invariant formel."
Le ParK n'est comparable à aucun autre, même si des espaces cloisonnés déjà existants, prisons, hôpitaux, maisons de retraite, centres commerciaux, camps de concentration, il reprend bon nombre de caractéristiques. Atypique en cela qu'il ne propose guère au visiteur la surenchère d'effets spéciaux qui lui est habituellement présentée dans les parcs de divertissement traditionnels. Ici, c'est le télescopage inédit de situations insolites et la confusion des différents lieux de parcage, qui hypnotisent le petit groupe de touristes triés sur le volet se rendant quotidiennement sur l'île accueillant cet espace fantastique au large de Bornéo. Le prix prohibitif et les restrictions psychologiques définissant les droits d'entrée limitent la foule de badauds susceptible d'être attirée par un nouveau type de parcs. Édifiant par son réalisme à toutes épreuves, les scènes qui sont offertes aux spectateurs en mal de sensations fortes, de palpitations de toutes sortes, s'apparentent souvent à des tableaux familiers, où un élément exotique vient s'y greffer. On pourrait citer le Reptilarium Inc. représentant une société, avec ses employés plus vrais que nature, entourés d'une faune reptilienne vivant à leurs côtés, et suscitant une peur de tous les instants dans l'esprit des collaborateurs, sans pour autant nuire à leur professionnelle assiduité. Dans le zoo, se côtoient léopards et demoiselles, dans la piscine, nageuses et crocodiles. Ici, la domesticité animale est une notion qui n'a aucune espèce de réalité.
"Licht recherche l'ubris, non dans la démesure et l'extravagance qui ne font rien d'autre que gonfler le banal, mais dans le crash violent et antinaturel des ambiances."
Du haut de son immense tour d'ivoire, construite sur une plate-forme offshore, l'architecte démentiel de ce parc extraordinaire ressent, tout comme ses congénères, dont il a analysé les réactions provoquées par son environnement dans un traité de neuro-architecture, le besoin irrépressible de se claquemurer à l'intérieur de son repère dominant l'île. Le mouvement rotatif permanent de son donjon lui donne la possibilité, pour ainsi dire, de traquer sans interruption les éventuels dysfonctionnements émanant de sa création.
La nature insulaire du ParK est la condition sine qua non lui permettant de se démarquer de tout ce qui pourrait gâter son caractère hors du commun. Influencé uniquement par sa vie interne, le ParK est en perpétuelle mutation et n'a pas la nécessité de se préoccuper des controverses qui s'érigent contre lui, des réactions épidermiques de la population mondiale. Vue du ciel, sa construction insaisissable suscite les interprétations les plus diverses, témoignant aussi de la faculté du ParK à se régénérer, à se renouveler sans cesse au cours d'un processus imperceptible. Les éléments constitutifs du parc se fondent dans l'hostilité naturelle du décor. Sa marginalité, son cloisonnement essentiel provoquent tout autant l'addiction que la répulsion chez ceux qui y pénètrent. 

Parabole fascinante et analyse minutieuse de l'état de santé de l'humanité, du besoin paradoxal de sécurité dans la réclusion, qui a vu le jour avec le développement pernicieux de nos sociétés, Le ParK est à mes yeux l'une des plus surprenantes et palpitantes lectures de cette année 2010.




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