lundi 15 juin 2009

Attila nous offre un cocktail explosif


Il n'y a qu'un pas entre le dessin et l'animation. Les éditions Attila nous le démontrent admirablement avec la parution comprenant deux recueils de dessins de Roland Topor et un DVD, regroupant une sélection de courts-métrages animés de Bill Plympton.



Ce dernier, né en 1946, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, a connu une vocation de dessinateur très tôt. Il a collaboré à de nombreux journaux nationaux avant d'éprouver un besoin d'exprimer son art au travers de l'animation, afin d'apporter un nouveau dynamisme et une nouvelle dimension à son oeuvre.


Même si sa filmographie comprend désormais quelques longs-métrages salués par la critique et les festivals( L'impitoyable lune de miel en 1998, Les mutants de l'espace en 2001 ou le dernier Des idiots et des anges) son oeuvre animée a été remarquée en premier lieu par ses courts-métrages désopilants, anti-conventionnels. Le trait de Bill Plympton est cartoonesque à souhait, reconnaissable entre tous. Il accentue et déforme démesurément les moindres parcelles du corps pour servir la puissance évocatrice de ses coups de crayon.

Your face, qui ouvre la série de neuf courts-métrages proposés ici, est un exercice de style assez jouissif qui exploite les ressources fondamentales de l'animation. Accentuation des traits, contorsions, métamorphoses, Bill Plympton s'amuse à déformer le visage d'un crooner au rythme de sa mélopée distordue. Le rythme endiablé et la concision du court ne sont probablement pas étrangers à l'oscar qu'avait reçu Plymton à l'époque.
25 ways to quit smoking avait été d'abord envisagé pour être un livre illustrant 100 manières d'arrêter de fumer. Bill Plympton a essuyé le refus des éditeurs et revit sa copie pour s'offrir une revanche animée qui lui assura une certaine popularité.
Les saynètes se succèdent et se répondent dans un style véritablement hilarant. Vous verrez que ce cher Bill est contaminé par un virus bien plus incurable que le tabagisme. Il s'avère être un bien piètre médecin mais un redoutable humoriste. Pour l'anecdote, il n'a jamais fumé(du moins, pas de cigarettes, comme l'atteste son témoignage dans le bonus Mondo Plympton).

La violence ou disons plutôt l'excès, l'accentuation des traits, est l'une des marques de fabrique de Plymton. Pourtant, elle apporte toujours quelque chose.
Ainsi, dans How to make love to a woman ou dans How to kiss, aux titres explicites, elle tend à montrer le visage vorace de l'amour, le côté bestial de l'homme et de la femme. Nul doute qu'il ne faudra pas compter sur ces petits guides pour ranimer la flamme romantique de votre couple.
Dans Push comes to shove, deux hommes ripostent chacun à son tour au coup de l'autre. Au fil du duel, la violence prend des proportions ahurissantes. La stupidité, la rancoeur et la violence de l'homme sautent à la face du spectateur, tel un missile.
Dans Parking(2003) un homme qui gère un parking est confronté à une touffe d'herbe rebelle. Les solutions qu'il envisage vont se révéler de plus en plus radicales. Le protagoniste n'est pas en mesure de pressentir que la nature, elle aussi, est susceptible de riposter systématiquement avec une force exponentielle, à la mesure de l'attaque subie et avec une fourberie qui n'a rien à envier à celle de l'humanité. Sa subtilité et son imprévisibilité finiront par achever la persévérance aveugle de l'homme.
Parabole à la fois forte et comique, il s'agit de mon coup de coeur du programme.

Guard dog(2004) et Guide dog(2006) sont deux courts récents qui mettent cette fois-ci en scène un chien. Le caractère principal de celui-ci est d'être particulièrement paranoïaque. Le moindre insecte est vu comme un monstre sanguinaire qui ranime des peurs incontrôlables chez le meilleur ami de l'homme. Une musique tonitruante répétitive accentue l'absurdité maladive du fidèle compagnon. Le style graphique et inventive de Plympton fait ici merveille.




Roland Topor est une autre grande figure iconoclaste. Artiste touche à tout, il fut romancier, nouvelliste, metteur en scène pour le théâtre, le cinéma(il a collaboré à la Planète sauvage de René Laloux), il a aussi mis le pied dans la télévision et la musique. C'est présentement à son talent de dessinateur que les deux recueils s'attachent. Le style graphique et l'aspect désopilant de l'oeuvre ont une parenté indéniable avec Bill Plympton.

On retrouve dans ce livre le format et la qualité du papier du premier volet du Treehorn paru aux éditions Attila il y a peu. De ce côté-là, pas de souci, on peut compter sur Attila pour avoir un objet soigné.

Concernant le recueil Masochistes, premier livre de Topor à voir le jour, en 1960(chez Eric Losfeld) le titre en dit long. Il s'agit de dessins indépendants qui présentent des situations quotidiennes, au sein desquelles le personnage se plaît à se faire mal en usant d'une redoutable imagination ou en déviant l'usage commun d'ustensiles. Parmi les situations cocasses , on voit un homme sur un plongeoir prêt à sauter non pas dans l'eau mais dans la direction opposée, un cul-de-jatte trouvant un ersatz contondant à sa jambe de bois, un homme descendant un escalier dont la rampe est taillée en dents de scie.


C'est un humour assez noir, certes qui risque de ne pas plaire à tout le monde, mais qui a le mérite d'avoir une personnalité atypique. Tout comme Plympton, le style graphique met en relief de façon exacerbée et personnelle certains traits et expressions. Un recueil court mais délectable.

Concernant, l'autre oeuvre, La Vérité sur Max Lampin, publié pour la première fois en 1968 par Pauvert, je dois admettre que je suis beaucoup plus réservé. Il s'agit d'une sorte de défouloir à l'encontre d'un personnage imaginaire. Si le premier recueil présentait le masochisme sous une forme novatrice, autant le second laisse apparaître un sadisme qui s'entête dans la grossièreté, et finit par être vulgaire. Les esquisses associées à un court texte se succèdent.

Autant pour Plympton, la violence n'est jamais gratuite, autant ici je suis plutôt sceptique quant à la tournure que prennent les vignettes. Le dessin est simpliste et ressemble davantage à une illustration d'un journal faite à la va-vite qu'à une réalisation aboutie. Si l'on a en tête l'avertissement de Roland Topor lui-même, qui précède le recueil, on peut ne pas trop tenir rigueur de cet aspect. Pour ma part, j'ai eu du mal à l'occulter.
Connaissant Attila, ce choix me déçoit d'autant plus que la première oeuvre offerte ici laissait présager une délicieuse originalité.

En définitive, cette parution sous une forme inédite témoigne d'une excellente initiative d'une jeune maison qui montre de plus en plus le bout de son nez. On ne peut que s'en réjouir et espérer que cette incursion dans le monde du dessin et de l'animation se répétera prochainement.




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