mardi 23 septembre 2008

ATTILA DEFRICHEUSE DE TALENTS

Quel est le point commun entre Ludwig Hohl et Giovanni Papini? Il s'agit d'écrivains dont l'oeuvre est tombée dans l'oubli et qui aujourd'hui, grâce à l'obstination de la maison parisienne Attila, refait surface sur le marché des livres, par l'intermédiaire d'une édition illustrée flambant neuve. A l'origine de cette riche idée, il y a de jeunes défenseurs ardents de la littérature, Benoît Virot et Dominique Bordes, qui fondent en 2004 "la revue qui met du sang dans son vin", le Nouvel Attila un slogan qui en dit long sur son contenu. Elle décide de sortir des sentiers battus pour extraire les plus précieuses pépites littéraires des oubliettes, en explorant quatres aspects différents du monde livresque: critique, créatique, cryptique, trafic. Le Nouvel Attila, c'est aussi la revue qui donné la chance à Jérôme Lafargue de faire apparaître le texte(Maria Sombrano) qui ouvre son roman L'Ami Butler. Vous comprendrez alors l'intérêt que je commence à porter à leur travail. J'espère pouvoir me procurer certaines de ces revues et en reparler à l'occasion de ma prochaine visite à Paris au mois de novembre.

Pour l'heure, je m'intéresserai à la maison d'éditions issue de cette revue, la dénommée Attila.
Pour comprendre un peu plus leur démarche, intéressons-nous au prix Nocturne. Fondé en 1962 par Roland Stragliati, de la revue Fiction, pour récompenser « un ouvrage oublié, d’inspiration insolite ou fantastique », le jury procédait de façon bien mystérieuse. Trois petits tours et puis s'en va ce prix légendaire. Quarante ans après, Attila le ressuscite au mois de novembre dans des conditions souhaitées aussi étranges que lors des premières processions.

Giovanna Papini a été consacré post-mortem en 2006 pour sa fantaisie GOG.
Ma lecture a été celle de l'édition d'origine de 1932(Flammarion) mais j'espère vivement reparler de cette oeuvre étonnante, agrémentée de 70 illustrations de Rémi et de cinq chapitres inédits.
Gog est un milliardaire mégalomane misanthrope, blasé qui s'ennuie désespérement. Pour y remédier, ce dernier va faire venir dans sa demeure un lot de figures toutes plus excentriques les unes que les autres, censées combler sa tendance à l'audace démesurée. Chacune de ses rencontres donne lieu à de courts chapitres assez jouissifs dans l'ensemble, parmi lesquelles on assiste à l'élaboration mentale de distractions insolites comme une symphonie silencieuse ou un théâtre avec des acteurs qui ne se contentent pas de simuler mais qui accomplissent réelement leurs actes sur scène. Sont présentées également par gog lui-même des théories incroyables comme le procès des innocents, en tant que solution à la criminalité, ou par certaines grandes personnalités entrevues revisitant leurs grandes théories : Gandhi qui affirme que la révolte des indiens contre l'impérialisme anglais vient justement de l'impregnation de la culture anglaise chez les indiens, Ford,Einstein, Freud, G.B. Shaw ou Knut Hamsun, qui maudit la célébrité depuis son prix nobel, ou alors par des visiteurs inconnus qui auront aussi le plaisir de révéler leurs divagations.
Malgré la succession de ces visites et les différentes collections onéreuses de géants, de crânes, de myopes, d'amputés ou de pays, qu'entreprend le mégalo Gog n'est jamais comblé par ses délires. Le lecteur, lui, savoure ses penchants avec délectation même si les nombreuses saynètes qui jallonent l'oeuvre auraient mérité davantage de concision à mes yeux. De plus, l'effet de surprise s'amenuise au fil des pages, laissant le lecteur quelque peu sur sa faim par moments, peut-être pour le rapprocher de l'état dans lequel se trouve son personnage. Au-delà de ces scènes fantaisistes, c'est une réflexion sur le pouvoir à la fois illimité et en même temps, en fin de compte, très restrein de l'argent.

Un ouvrage qui mérite le détour avant tout pour son originalité et pour l'effort éditorial.

Prochaînement, je reparlerai de cette collection avec Une ascension de Ludwig Hohl.



  • Gog de Giovanni Papini, épuisé chez Flammarion et réédité en 2007 chez Attila dans une traduction de René Patris et des illustrations de Rémi.
  • Gog vu par Nikola

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Edwood,
je crois que la jeune Bérengère Cournut ne serait guère heureuse de savoir son oeuvre tombée dans l'oubli, alors qu'elle vient juste de publier son premier roman! De votre part, encore une très belle critique d'un livre étonnant, féroce en diable et magistralement mis en page par les éditions Attila.
Nikola

edwood a dit…

Oups, honte à moi! Merci beaucoup de me signaler mes erreurs de précipitation. En plus, je le savais que cette auteure venait tout juste de voir son premier roman publié. Avec un titre pareil, comment l'oublier?
Merci pour le reste aussi. Au passage,votre chronique sur l'Ecorcobaliseur vaut largement le détour.